Entretien avec la Présidente élue de l’ISO
À l’occasion de la Journée internationale des femmes, l’ISO saisit cette opportunité pour mettre en lumière sa plus haute dirigeante, une femme accomplie qui a géré avec succès différentes organisations et entreprises d’envergure internationale. Nous sommes heureux de porter à votre attention l’entretien que nous avons mené avec la Présidente élue de l’ISO, Ulrika Francke.
Ulrika Francke prendra ses fonctions de Présidente de l’ISO en janvier 2022 au terme du mandat du Président en exercice, Eddy Njoroge, et siégera donc en qualité de Présidente élue tout au long de l’année 2021, qu’elle mettra à profit pour se préparer à assurer son nouveau rôle sur le plan mondial.
Mme Francke peut faire valoir une riche expérience en matière de leadership et de gestion, notamment dans le domaine de la normalisation. Elle a démontré sa capacité de mener à bien la mise au point et la réalisation de visions, de stratégies et d’objectifs institutionnels et a par ailleurs assumé diverses fonctions de direction, aussi bien en tant que PDG qu’en qualité de Présidente ou de membre de très nombreux conseils d’administration.
Lors d’un entretien exclusif, Mme Francke souligne l’importance de rejoindre l’ISO à un moment où se posent des défis sans précédent et compte sur les principes de résilience, de reconstruction et de renouvellement de la confiance pour façonner l’avenir de notre monde. Elle souligne également la nécessité de nouvelles orientations conformes à la Stratégie de l’ISO 2030.
Mme Francke insiste sur l’importance croissante de l’ISO dans un monde de plus en plus interconnecté et souligne la dimension stratégique des Normes internationales, qui sont un produit incontournable du XXIe siècle.
Sans le soutien des normes, le monde tel que nous le connaissons aurait déjà cessé d’exister.
Tout d’abord, félicitations pour votre nomination en tant que Présidente élue de l’ISO. Qu’est-ce qui vous a incitée à présenter votre candidature à la présidence de l’ISO ? Et pourquoi maintenant ?
Je suis très reconnaissante d’avoir été choisie comme prochaine Présidente de l’ISO et d’avoir ainsi la possibilité de me mettre au service de cette grande organisation. Les normes font partie de mon quotidien depuis le début de ma carrière. Dernièrement, j’ai quitté le poste de PDG d’une société de conseil spécialisée dans l’immobilier pour m’impliquer davantage dans la gouvernance du Swedish Institute for Standards (SIS) et dans la normalisation, et ce sont mes collègues du SIS qui m’ont encouragée à franchir le pas suivant. Je suis maintenant impatiente d’occuper la fonction de Présidente de l’ISO.
Le monde entier unit ses forces pour relever certains des plus grands défis auxquels notre planète ait jamais été confrontée. Ces défis sont définis par les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, qui visent à mettre le monde sur la voie de la paix, de la prospérité et de l’égalité des chances pour tous. Les normes ISO contribuent activement à la réalisation des ODD. En fait, dans certains domaines, elles jouent un rôle essentiel pour faire de ces objectifs une réalité. Nous devons en particulier veiller à soutenir les pays en développement afin de pouvoir assurer une croissance économique durable.
Je me réjouis de m’engager dans cette entreprise et de participer à l’élaboration en continu de normes ISO, laquelle a pour objet de s’assurer qu’elles répondent aux besoins futurs de la société. Compte tenu des avancées rapides de l’interopérabilité et de l’interdépendance dans le monde entier, des normes communes sont indispensables à tous les niveaux.
Vous allez engager votre action en vous fondant sur une vaste expérience. Quelle est la réalisation qui vous a le mieux préparée à jouer ce rôle ?
Avec l’expérience que j’ai acquise dans le secteur de l’immobilier et de la construction, je suis loin d’être novice en matière de normalisation et j’ai pu me rendre compte des très grands avantages que celle-ci peut apporter. J’ai aussi vu tout le profit que l’on peut tirer de l’application de normes telles que les séries ISO 9000 et ISO 14000. Au fil des années, j’ai pu constater que les entreprises qui adoptent des normes ISO ont de meilleurs taux de survie, de ventes, de création d’emplois et de hausse des salaires que celles qui n’en adoptent pas. La transparence qui résulte de bonnes pratiques de gestion est un atout, et cela pour trois raisons : elle permet aux clients de savoir ce qui se passe et de procéder ainsi à leurs achats avec toute la confiance nécessaire ; elle permet également aux organismes de confirmer la réalisation effective de ce qu’ils ont prévu de faire ; et elle permet enfin aux parties prenantes de savoir ce que l’on attend d’elles et ce qu’elles doivent faire.
Il importe de bien comprendre et d’apprécier l’utilité des Normes internationales non seulement pour le secteur de la construction – que je connais bien –, mais aussi pour l’économie mondiale dans son ensemble. Sans le soutien des normes, le monde tel que nous le connaissons aurait déjà cessé d’exister. Entre autres choses, les normes sont un passeport pour le commerce, puisqu’elles favorisent de meilleures pratiques commerciales tout en assurant la protection des consommateurs.
S’agissant de mon nouveau rôle de Présidente de l’ISO, certaines des réflexions les plus intéressantes que je pourrai faire valoir sont celles que j’ai développées en tant que Présidente de différents conseils d’administration et organismes. Elles m’ont appris la portée stratégique des normes et la nécessité de trouver un terrain d’entente. En me consacrant à la gestion normative, j’ai appris à mieux connaître la façon dont fonctionne un organisme national de normalisation et dont il collabore avec ses homologues aux niveaux international, européen et national. Avec plus de 35 ans d’expérience professionnelle, j’espère pouvoir utiliser au mieux ces connaissances dans le cadre de mes nouvelles fonctions.
Comment allez-vous mettre à profit le temps que vous allez passer comme Présidente élue pour vous préparer à votre rôle de Présidente ? Quelle est votre principale attente ?
Tout d’abord, mon mandat de Présidente élue sera une période d’apprentissage. J’espère me faire une idée plus claire de l’ISO ainsi que des besoins et attentes de nos membres. À cet effet, je travaillerai en étroite collaboration avec le Président en exercice, Eddy Njoroge, et profiterai de toutes les occasions pour apprendre et mieux comprendre les différents aspects de l’Organisation.
Alors que l’on commence à mettre en œuvre la Stratégie de l’ISO 2030, je tiens à soutenir ses progrès et à contribuer à son succès. Les stratégies de portée mondiale, quand elles sont utilisées de manière positive, sont à même d’instaurer la stabilité dans un contexte de forte incertitude, et l’ISO a un rôle à jouer pour rendre cela possible.
La pandémie de COVID-19 a imposé un modèle d’activité fondé sur un niveau de service minimum viable que de nombreux organismes ont dû adopter et qui a également donné l’occasion de repenser notre façon de vivre et de travailler. Il est indispensable de préserver le maximum de flexibilité et d’efficacité. Il n’est pas facile d’exercer ses activités dans ces circonstances mondiales exceptionnelles, mais les organismes doivent s’adapter et établir un nouveau cadre où ils puissent fonctionner, analyser et réagir à l’inconnu.
Alors que le monde est toujours aux prises avec la crise de la COVID-19, comment les normes ISO peuvent-elles apporter de la stabilité en ces temps incertains ?
En qualité de leader, vous devez vous demander : « Dans un moment exceptionnel, comment votre réponse en tant qu’organisme peut-elle être également exceptionnelle ? » L’ISO a été en mesure de mettre à disposition gratuitement un certain nombre de normes relatives aux appareils et dispositifs médicaux (ventilateurs et matériel respiratoire, vêtements de protection, produits de nettoyage des mains et désinfectants, etc.) ainsi qu’au management de la continuité d’activité, à la sécurité et à la résilience. Cette initiative s’est révélée extrêmement utile dans les hôpitaux et pour aider les fabricants à augmenter la production d’appareils et de matériels médicaux essentiels.
Dans un monde de plus en plus intégré, les normes sont particulièrement utiles en temps de crise. Le fait de disposer de produits et de processus dont on peut se servir en toute confiance est un atout important. Dans des moments comme ceux-ci, les normes jouent un rôle profondément stabilisateur en aidant les organismes à gérer leur processus de management de la continuité et à mieux se préparer à d’éventuels événements imprévus.
La pandémie a été une période d’apprentissage utile pour l’ISO. Je pense que la grande leçon, pour toutes les personnes faisant partie du système ISO, a été le constat que nous sommes en mesure de travailler efficacement dans le monde numérique grâce aux moyens de visioconférence et aux technologies virtuelles, et de continuer d’élaborer des normes de haute qualité. À l’avenir, nous devrons continuer à capitaliser sur les atouts du cadre de travail virtuel, qui permet de réunir un plus grand nombre d’experts et de compétences. Cela a profondément modifié notre façon de travailler et a notamment remis en cause la nécessité de voyager et de se rencontrer en direct. Le processus d’élaboration des normes est en pleine mutation, et il est temps de passer à la vitesse supérieure et de répondre aux besoins d’un monde de plus en plus interconnecté. Notre capacité de produire en temps utile des Normes internationales pertinentes en dépendra.
Quelles sont vos attentes concernant le Plan d’action de l’ISO pour l’égalité des sexes 2019-2021 ?
J’espère voir davantage de femmes prendre part au processus de normalisation et jouer un rôle de premier plan au sein de l’ISO.
L’action engagée par l’ISO en matière d’égalité des sexes est importante non seulement pour nous en tant qu’organisation, mais aussi pour tous les utilisateurs de normes. L’intégration de cette problématique dans le processus de normalisation contribuera à préserver l’attractivité de nos travaux, tant pour les femmes que pour les hommes. C’est pourquoi il importe qu’elle soit prise en compte lors de la collecte des données, du choix des éléments visuels et des exemples et de la mise au point de méthodes d’essai qui s’appliquent aux deux sexes, ce qui permet l’élaboration de normes plus inclusives et plus ouvertes à la dimension hommes-femmes.
Le Plan d’action de l’ISO pour l’égalité des sexes devrait contribuer à attirer de nouveaux talents dans le domaine de la normalisation et à diversifier le profil des spécialistes intervenant dans nos activités. Il comprend des engagements visant à définir la proportion hommes-femmes dans les comités techniques et à déterminer les secteurs où les femmes sont sous-représentées.
L’élaboration des normes est toujours un domaine à prédominance masculine, mais les choses changent progressivement et devraient encore évoluer si nous favorisons la diversité au sein de nos comités techniques. La diversité est toujours enrichissante. La normalisation consiste à intégrer différents points de vue dans un même livrable. Par conséquent, plus les apports sont diversifiés, meilleure est la norme. Pour mener à bien l’élaboration et la révision des normes, il est important de pouvoir s’assurer de la représentation d’un groupe diversifié de parties prenantes et d’experts, et en particulier d’une juste proportion de femmes.
Pour poursuivre sur cette lancée, nous continuerons de mobiliser les meilleurs experts du monde entier dans tous les domaines de la normalisation et, pour ce faire, nous devons veiller à ce que personne, homme ou femme, ne se sente exclu. Cela aura pour effet d’améliorer les normes finalisées en les rendant plus pertinentes pour un public plus large. Dans les années à venir, j’espère voir davantage de femmes prendre part au processus de normalisation et jouer un rôle de premier plan au sein de l’ISO. Car en fin de compte, notre objectif est de produire des normes qui conviennent à tous, tant par la manière dont elles sont rédigées que par la manière dont on les utilise. C’est une situation avantageuse pour tous.
À quoi ressemblera votre succès en tant que Présidente de l’ISO ?
Prévoir le succès dans un monde imprévisible relève de la gageure ! Aujourd’hui, l’incertitude persiste à plusieurs égards. Heureusement, la Stratégie de l’ISO 2030 nous permettra de garder le cap pour renforcer la confiance et relever les défis mondiaux en produisant les normes dont le monde a désespérément besoin.
Dans le contexte mondial difficile d’aujourd’hui, nous devons redéfinir nos priorités. Au cours de la prochaine décennie, nous recentrerons nos efforts de normalisation sur les domaines où les normes peuvent avoir le plus d’incidence et de pertinence, à savoir l’économie, la technologie, la société et l’environnement.
Ma plus grande aspiration est d’accroître la visibilité de l’ISO en tant qu’organisation qui apporte des solutions à l’échelle mondiale. Nous devons être prêts à poser des questions complexes et à nous attaquer à certains des problèmes difficiles qui doivent être réglés. À une décennie du but, la course est lancée pour réaliser les ODD d’ici 2030. Bien que rien ne soit joué d’avance, notre force en tant que communauté internationale – dont nous avons été témoins pendant la pandémie – nous aidera à relever les défis imprévus. La vision de l’ISO, qui consiste à « rendre la vie plus facile, plus sûre et meilleure » d’ici 2030, n’est pas seulement un vœu pieux, c’est une nécessité. Notre avenir en dépend.