Combattre la corruption à l’aide des normes ISO
Le 9 décembre, Journée internationale de lutte contre la corruption, est l’occasion de sensibiliser aux normes ISO qui contribuent à façonner le monde pour y apporter plus d’équité et de justice.
Érigée en système, la corruption a pour effet de ralentir le développement économique et de décourager l’investissement, avec pour corollaires la pauvreté et les inégalités sociales. Mais, avant tout, pour que le Programme d’action mondial des Nations Unies à l’horizon 2030 porte ses fruits, il faut accorder une attention et un intérêt renouvelés à la lutte contre toutes les formes et manifestations de corruption dans le monde.
L’année 2021 est un jalon pour l’action mondiale contre la corruption, avec le déploiement d’efforts visant à intensifier les initiatives de lutte contre la corruption et à accélérer la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption – le seul instrument mondial juridiquement contraignant et véritablement complet contre ce type de délit.
À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption, nous avons contacté Kevin Brear, ancien officier de police de la ville de Londres actuellement passé au privé, qui, depuis plus de 35 ans, traque la corruption active et passive. Cet engagement à vie, il le démontre en consacrant des heures à aider les entreprises et organisations à éviter d’entrer en affaires avec des personnes et des entreprises peu recommandables. En tant que Président récemment élu du comité technique ISO/TC 309, Gouvernance des organisations, M. Brear, qui entrera en fonction le 1er janvier 2022, s’est donné pour mission de placer les normes ISO au cœur de la lutte contre la corruption.
Nous nous sommes entretenus avec M. Brear pour connaître son point de vue sur les défis les plus pressants en matière de corruption, sur l’impact de la corruption sur le développement social et économique et sur la manière dont les normes ISO peuvent contribuer à un monde exempt de toute forme de corruption.
Kevin Brear
Président de l’ISO/TC 309, Gouvernance des organisations
(dès le 1er janvier 2022)
Quelles sont aujourd’hui les questions les plus urgentes ou les plus difficiles en matière de lutte contre la corruption ?
Le coût économique mondial de la corruption est tout simplement stupéfiant et il sape les efforts de tous les pays pour améliorer la vie des citoyens. D’après le Forum économique mondial, le coût de la corruption s’élevait en 2018 à au moins USD 2 600 milliards de dollars, soit 5 % du produit intérieur brut mondial. Malgré tous les moyens mis en œuvre dans bien des pays, la situation ne s’est guère améliorée dans le monde et ce sont les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables qui souffrent le plus du fléau de la corruption. Les gouvernements dépensent à l’échelle mondiale USD 7 500 milliards par an en matière de santé, mais USD 500 milliards, soit 7 % de ce montant, sont siphonnés par la corruption.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, la prestation gratuite de soins de santé primaires à chaque citoyen du monde coûterait USD 370 milliards. On rapporte aussi que la corruption augmente indirectement le coût de la vie, et qu’elle peut en définitive entraîner une hausse des coûts de production et réduire la rentabilité des investissements. Là encore, tous ces effets se font sentir de manière plus aiguë dans les économies en développement.
Il y a de nombreuses normes et lignes directrices sur la lutte contre la corruption. Quelle est la valeur ajoutée des normes ISO (par rapport aux autres normes) ?
Les normes ISO sont élaborées selon une approche consensuelle, sur la base de bonnes pratiques éprouvées. Les normalisateurs eux-mêmes sont issus des rangs des meilleurs experts mondiaux dans leurs domaines respectifs. En conséquence, les normes publiées sont conçues pour être applicables à tous les organismes, quels qu’en soient la taille, le secteur d’activité, la situation géographique ou l’orientation politique. Cela signifie que les normes ISO peuvent fournir des repères cohérents, des meilleures pratiques et des méthodologies communes que tous les organismes peuvent adopter et mettre à profit.
Les experts des comités techniques (TC) de l’ISO peuvent également adopter une approche stratégique pour bien comprendre de quels documents l’industrie a besoin. Ainsi, par exemple, les experts du TC 309 ont d’abord produit ISO 37000, qui fournit des lignes directrices sur la gouvernance des organisations. Le TC s’est ensuite appuyé sur cette solide base pour publier les normes ISO 37001 (systèmes de management anti-corruption), ISO 37002 (systèmes de management des alertes) et ISO 37301 (systèmes de management de la conformité). Les experts du TC 309 travaillent actuellement sur une norme relative aux enquêtes internes et une nouvelle proposition est en bonne voie pour la préparation d’une norme sur les mesures antifraude. Toutes ces normes peuvent être utilisées à l’échelle mondiale pour fournir une approche plus intégrée en matière de lutte contre la corruption.
Comment les normes ISO, et notamment la norme ISO 37001, contribuent-elles concrètement à la lutte contre la corruption ?
La norme ISO 37001, Systèmes de management anti-corruption – Exigences et recommandations de mise en œuvre, a été bien accueillie dans le monde entier pour l’intérêt qu’elle présente dans la lutte contre la corruption active et passive. En effet, elle a déjà été adoptée par un certain nombre d’organisations mondialement connues, telles que Microsoft (États-Unis), Alstom (France), Eni (Italie) et SKK Migas (Indonésie).
L’intérêt d’ISO 37001 a également été reconnu par des gouvernements et des administrations du monde entier, et le Pérou et Singapour ont rapidement adopté la norme. Il vaut la peine de noter que cette norme a également été citée comme bonne pratique recommandée par un certain nombre d’organismes sportifs internationaux, et il sera très intéressant de voir comment elle sera adoptée et exploitée dans les mois et années à venir.