Le laissez-passer des échanges

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Quel que soit le pays dans lequel nous souhaitons nous rendre, nous avons tous besoin d’un passeport – ou d’un document justifiant notre identité – pour voyager. Les produits, eux aussi, doivent montrer patte blanche pour traverser les frontières. Pour que les bananes du Costa Rica passent les douanes françaises ou pour que les montres suisses s’exportent en Australie, elles doivent être accompagnées de certificats attestant leur conformité aux différentes règles et exigences en vigueur dans le pays importateur. Voyons comment les normes internationales contribuent à fluidifier l’accès aux marchés en créant un « passeport pour le commerce ».

Prenons l’exemple d’une délicieuse mangue. Si son importation dans l’Union européenne est exempte de droits de douane pour tous les pays, un large éventail de mesures dites non tarifaires (MNT) visant à garantir la conformité du produit s’appliquent. L’exportateur doit en outre satisfaire à toutes les exigences supplémentaires de l’acheteur, par exemple en fournissant des pièces attestant que le produit est issu de l’agriculture biologique ou du commerce équitable. La liste des prérequis est longue.

Back view of a man carrying a basket of mangos at the traditional rural street market, in North Bali.

Heureusement, il existe des systèmes d’accréditation dont les essais, inspections et certificats reconnus à l’échelon international permettent non seulement aux entreprises de réduire les coûts inhérents au respect de ces exigences, mais aussi de diversifier leurs débouchés.

Selon des études réalisées par l’organisme italien d’accréditation Accredia, les entreprises bénéficiant d’une certification délivrée par un organisme accrédité s’inscrivent dans une chaîne de valeur mondiale leur offrant des gains de productivité de l’ordre de 30 % à 60 %. Conclusion : « l’élaboration de normes communes, reposant sur la reconnaissance mutuelle de résultats d’essai, de rapports d’inspection et de certificats accrédités, permet de simplifier et de réduire le coût des échanges commerciaux ».

Penchons-nous maintenant plus en détail sur le système d’accréditation et son fonctionnement. Première étape : l’évaluation de la conformité.

Le b.a.-ba de l’évaluation de la conformité

L’évaluation de la conformité désigne l’ensemble des processus visant à démontrer qu’un produit satisfait à diverses exigences (par exemple, aux exigences d’une norme) applicables en vertu d’une réglementation ou en réponse aux attentes du client. Elle permet non seulement de délivrer les « papiers » qui permettront au dit produit de franchir les frontières, mais offre également aux consommateurs et aux organismes de réglementation la garantie que les obligations en vigueur sont respectées. Ces processus sont mis en œuvre par les organismes d’évaluation de la conformité (OEC).

Man shopping for a washer and dryer.

L’accréditation désigne l’évaluation indépendante des OEC au regard de normes reconnues visant à garantir que leurs résultats sont exacts et fiables. Les organismes chargés de l’accréditation ont été déclarés compétents par leurs homologues à l’issue d’une évaluation. À ce titre, ils sont habilités à signer entre eux des accords qui améliorent l’acceptation des produits et des services échangés à l’international, évitant ainsi aux exportateurs de réaliser des essais différents pour chaque pays.

Le Forum international de l’accréditation (IAF) gère les accords relatifs aux systèmes de management, aux produits, aux services, au personnel et aux programmes d’évaluation de la conformité connexes. La Coopération internationale sur l’accréditation des laboratoires d’essais (ILAC) gère quant à elle les questions relatives à l’accréditation des organismes d’inspection et des laboratoires.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a néanmoins conscience que l’ensemble de ces essais et évaluations peut être synonyme de coûts additionnels pour l’exportateur, susceptibles de constituer un obstacle aux échanges. Pour remédier au problème, tous les États membres ont signé l’Accord de l’OMC sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC), qui encourage fortement le recours aux normes internationales pour faciliter les échanges. De fait, ces dernières harmonisent les exigences à l’échelle transnationale, réduisant ainsi les redondances tout en favorisant la transparence.

Comme le stipule l’Accord OTC, « le respect confirmé, par exemple par voie d’accréditation, des guides ou recommandations pertinents émanant d’organismes internationaux à activité normative sera pris en considération en tant qu’indication de l’adéquation de la compétence technique [de l’OEC] ».

Une question de confiance

Dès lors se pose une question : quelles normes permettent de s’assurer qu’un OEC est compétent et fiable ? L’ISO dispose d’un éventail de normes portant spécifiquement sur l’accréditation des OEC. Élaborées par le Comité de l’ISO pour l’évaluation de la conformité (CASCO), elles sont pour la plupart publiées conjointement par l’ISO et son partenaire de normalisation, la Commission électrotechnique internationale (IEC). Ensemble, ces normes forment la « Boîte à outils du CASCO », qui bénéficie du concours de parties prenantes du monde entier, notamment des partenaires clés de l’ISO que sont l’IAF et l’ILAC.

À titre d’exemple, citons la célèbre norme ISO/IEC 17025, Exigences générales concernant la compétence des laboratoires d’étalonnages et d’essais, qui s’est imposée comme la référence internationale pour les laboratoires d’étalonnages et d’essais qui souhaitent démontrer leur capacité à produire des résultats fiables.

Parmi les autres outils à disposition figurent la norme ISO/IEC 17020, Évaluation de la conformité – Exigences pour le fonctionnement de différents types d’organismes procédant à l’inspection ; la série de normes ISO/IEC 17021, Évaluation de la conformité – Exigences pour les organismes procédant à l’audit et à la certification des systèmes de management ; et la norme ISO/IEC 17065, Évaluation de la conformité – Exigences pour les organismes certifiant les produits, les procédés et les services.

Food quality control expert inspecting specimens of groceries in the laboratory.

 

La confiance au service du commerce

Prenons l’exemple concret d’Energy Star, l’un des labels dédiés à l’efficacité énergétique les plus reconnus au monde. Lancé à titre de programme de labellisation volontaire par l’Agence de la protection de l’environnement (EPA) des États-Unis en 1992, il s’est rapidement imposé comme la référence aux yeux d’une vaste majorité de foyers américains. Toutefois, un audit national réalisé par le Government Accountability Office a révélé qu’il s’agissait essentiellement d’un programme d’autocertification laissant la porte ouverte aux abus, même si aucune fraude n’a été constatée.

Pour éliminer cette faille, l’EPA a mis en œuvre en 2011 un régime d’évaluation de la conformité dans le cadre duquel les produits porteurs du label Energy Star doivent être soumis à essai dans un laboratoire reconnu par l’EPA et faire l’objet d’une inspection par un organisme de certification répondant à la même exigence. Les laboratoires souhaitant être accrédités doivent attester leur conformité à la norme ISO/IEC 17025, la référence internationale en la matière. Les organismes de certification doivent, quant à eux, satisfaire aux exigences de la norme ISO/IEC 17065.

Smiling female worker in sterile lab coat packs finished food products in boxes in a food factory.

Condition supplémentaire : les organismes responsables de l’accréditation selon les normes ISO/IEC 17025 et ISO/IEC 17065 doivent être signataires de l’Accord de reconnaissance mutuelle de l’ILAC ou de l’Accord de reconnaissance multilatérale de l’IAF pertinent. Dans cette optique, ils sont évalués par leurs homologues au regard de la norme ISO/IEC 17011, Évaluation de la conformité – Exigences générales pour les organismes d’accréditation procédant à l’accréditation d’organismes d’évaluation de la conformité.

Grâce à ces normes reconnues à l’échelon international, l’EPA a pu établir ses propres accords de partenariat avec divers pays comme le Canada, le Japon, les pays de l’UE, la Suisse, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La vaste acceptation des produits labellisés Energy Star dans le monde a ainsi donné lieu à une hausse des ventes.

Selon Brahim Houla, Président du Comité Communication et Marketing de l’IAF, l’approche de plus en plus mondialisée adoptée par les organismes de réglementation, les industriels et les consommateurs renforce la nécessité commerciale d’assurer la compatibilité entre les différents régimes nationaux d’évaluation de la conformité.

« Sans cela, la duplication d’essais déjà concluants pourrait retarder inutilement l’accès au marché, au risque d’entraver l’échange de services à caractère urgent et le commerce de denrées périssables », explique-t-il.

En outre, les accords reconnus à l’échelon international garantissent l’application des mêmes normes par les OEC du monde entier, ajoute Jon Murthy, Président du Comité Communication et Marketing de l’ILAC.

« En vertu du système de reconnaissance mutuelle de l’évaluation de la conformité par le biais des accords avec l’IAF et l’ILAC, les résultats d’essais effectués conformément à une norme internationale sont acceptés partout. »

Conformité réglementaire : un pivot de l’industrie

Dans l’industrie agroalimentaire également, l’évaluation de la conformité joue un rôle indispensable à la facilitation du commerce international. Pour les acteurs de ce secteur hautement réglementé, la certification fiable des produits conformément aux réglementations nationales ou internationales en vigueur n’est pas qu’une simple formalité : cette obligation représente un coût d’exploitation non négligeable.

Selon une récente étude de l’Initiative mondiale de la sécurité des aliments (GFSI), 79 % des entreprises considèrent la certification en matière de sécurité des denrées alimentaires comme un atout majeur et un véritable « laissez-passer » sur le plan commercial. La faculté accrue à se conformer aux réglementations (86 %) est l’avantage le plus apprécié de la certification, devant l’amélioration de la sécurité et de la qualité des denrées alimentaires.

La GFSI est un organisme à but non lucratif présent dans le monde entier qui se donne pour mission de faire progresser la sécurité des denrées alimentaires partout dans le monde afin de renforcer la confiance des consommateurs et d’optimiser le fonctionnement du secteur dans son ensemble. Elle dispose d’un système qui évalue les programmes de certification au regard de ses critères de référence. Le propriétaire d’un programme de certification souhaitant être reconnu doit travailler avec des organismes de certification accrédités selon ISO/IEC 17065 ou ISO/IEC 17021.

Chinese farmers load a harvest of ripe pomelos on to a truck.

 

Cohabitation entre petits et grands

S’il s’avère possible pour les grandes entreprises d’obtenir leur certification ou leur accréditation auprès des programmes et organismes reconnus, la réalité du marché veut que bon nombre de produits vendus dans le monde, comme les fruits et les légumes, proviennent de petits exploitants installés dans des pays en développement. Pour eux, se conformer aux exigences souvent strictes du marché international n’est pas chose aisée.

Fort heureusement, divers dispositifs sont en place pour les aider à franchir ce cap, comme le Fonds pour l’application des normes et le développement du commerce (STDF). Ce partenariat mondial instauré par l’OMC aide les pays en développement à accéder aux marchés internationaux en comblant les lacunes dans les domaines sanitaire et phytosanitaire. Cela passe notamment par un soutien à la mise en œuvre des normes internationales pertinentes.

Et les résultats parlent d’eux-mêmes. Travaillant aux côtés de petits producteurs de fruits et légumes, de transformateurs et de négociants en Thaïlande et au Viet Nam, le STDF a aidé un exportateur vietnamien à obtenir sa certification selon ISO 22000 sur les systèmes de management de la sécurité des denrées alimentaires.

« Le projet STDF a marqué un tournant pour mon entreprise », raconte l’exportateur. « Grâce à ce tremplin pour l’obtention de notre certification HACCP [une norme internationale pour la sécurité des denrées alimentaires] et ISO 22000, nous pouvons exporter des fruits et légumes vers l’UE, le Japon et les États-Unis. »

Réduction des coûts, croissance du PIB

Le renvoi aux normes internationales dans les mesures non tarifaires réduit ainsi les coûts pour les producteurs en rationalisant les procédures d’essai et de certification nécessaires pour commercer sur leur marché intérieur et exporter leurs produits.

Il est en outre avéré que l’accréditation et l’évaluation de la conformité améliorent la situation économique en facilitant le commerce et en renforçant la confiance dans les produits et services. Prenons l’exemple de la Nouvelle-Zélande. D’après les études menées par le cabinet de conseil spécialisé NZIER, l’accréditation sous-tend plus de 56 % des exportations totales de marchandises, pour une valeur de 27,6 milliards de dollars néo-zélandais.

Qu’elle facilite l’importation de fruits exotiques en Islande ou qu’elle dope les économies nationales, l’évaluation de la conformité profite indéniablement au commerce international. Grâce à elle, les marchandises font l’objet d’essais en bonne et due forme, auxquels tout le monde fait confiance… et la mangue devient ainsi accessible à tous, à tout moment de l’année.

Little oriental girl eating a mango.
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Elizabeth Gasiorowski-Denis
Rédactrice en chef d'ISOfocus