Monde du travail : les trois tendances à retenir
Le monde du travail évolue rapidement. Voici trois tendances clés à suivre tout au long d’une décennie qui s’annonce tumultueuse.
Depuis 2019, le monde du travail, qui relie employeurs, travailleurs, pouvoirs publics et organismes de réglementation, a fondamentalement changé. Les bouleversements engendrés par la pandémie, la crise énergétique, la guerre et la transition écologique ont révélé et exacerbé les lignes de fracture au sein du monde professionnel, le plus souvent liées au statut des employés et aux possibilités qui leurs sont offertes de s’épanouir. On constate en outre un décalage entre ce à quoi aspirent les travailleurs et ce que les employeurs attendent d’eux – et l’onde de choc d’une telle mutation n’est pas près de faiblir.
Alors, comment se présente l’année 2023 pour les employeurs et leur personnel ? En demi-teinte, à en croire les chiffres publiés par Adecco dans un rapport intitulé Global Workforce of the Future 2022 . Ce rapport révèle en effet que 27 % des travailleurs envisagent de démissionner dans le courant de l’année, et 48 % d’entre eux s’attendent à être contraints de chercher un emploi mieux rémunéré. Plus inquiétant encore, si 44 % des employés se disent prêts à rester si leur rôle était amené à évoluer au terme d’une formation, 23 % de l’ensemble des travailleurs indiquent n’avoir jamais abordé la question de la progression de leur carrière avec leur employeur.
Alors même que le fossé entre employeurs et travailleurs se creuse, difficile de distinguer clairement la voie à suivre. Or, les Normes internationales pourraient s’avérer particulièrement utiles à cet égard. En effet, ces normes fournissent les bases et lignes directrices nécessaires pour une gestion pérenne, équitable et inclusive de l’environnement de travail, et permettent ainsi d’établir un terrain d’entente entre employeurs et travailleurs. En cette période tumultueuse qu’il nous faut traverser, quelles sont les évolutions à intégrer dans l’intérêt de chacune et de chacun ?
On constate un décalage entre ce à quoi aspirent les travailleurs et ce que les employeurs attendent d’eux.
Voici trois pistes qui méritent toute notre attention en 2023.
1. L’engagement : la nouvelle priorité
« Depuis la COVID-19, les gens ont conscience qu’il est possible de faire des choix plus judicieux – les entreprises doivent donc examiner différents types d’emploi », observe Mme Sandy Miles, Directrice, Normalisation, au HRCI, également impliquée dans les travaux du comité technique ISO sur le management des ressources humaines (ISO/TC 260).
Ces choix plus judicieux sont souvent guidés par des considérations d’ordre salarial. De ce fait, le salaire est depuis longtemps l’outil privilégié pour attirer les talents. Or, cet instrument semble désormais émoussé et il convient donc de privilégier une approche plus ciblée pour attirer les talents. « La diversité et l’inclusion seront des facteurs clés pour attirer et retenir les employés. Les entreprises se mondialisent de plus en plus et doivent donc s’efforcer de s’adapter à un personnel issu de différentes cultures, susceptible de travailler dans toutes sortes d’endroits – qu’il opte pour un espace de travail partagé ou un coin de table de cuisine –, ou de rencontrer des problèmes d’accès au wifi, et parfois amené à prendre soin de parents âgés ou d’enfants. »
Bien que susceptible d’attirer les talents à court terme, le salaire n’est pas pour autant synonyme de loyauté au travail. Les employeurs doivent en effet s’efforcer de susciter l’engagement de leur personnel. Selon l’étude publiée par Adecco, le bonheur, la stabilité, un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée, les collègues et la flexibilité importent bien plus que le salaire. En effet, ce dernier arrive désormais au sixième rang des facteurs clés influant sur la décision de rester dans une entreprise lorsque le travailleur se sent valorisé.
De fait, la vocation première d’un employeur fait aujourd’hui l’objet d’une attention sans précédent, car les talents de la génération Z tendent invariablement à vouloir faire carrière au sein d’un organisme adhérant à leurs valeurs – durabilité, action en faveur de la réduction à zéro des émissions, parité hommes-femmes, diversité.
Afin de faciliter le processus de gestion des ressources humaines (RH), l’ISO travaille actuellement à l’élaboration d’une nouvelle norme de système de management (ISO 30201) qui permettra aux organismes d’accroître leur attractivité et de développer et déployer leur capital humain de manière efficace et effective. Cette norme permettra également d’améliorer la façon dont les travailleurs sont traités, ainsi que les résultats de l’organisme tout en appuyant des objectifs sociétaux plus larges.
La diversité et l’inclusion seront des facteurs clés pour attirer et retenir les employés.
2. Passer au numérique sans oublier la touche humaine
Alors qu’elles sont toujours plus nombreuses à devoir fonctionner dans un monde virtuel avec de nombreux processus numériques, les entreprises seront amenées à valoriser en parallèle les soft skills, autrement dit les compétences comportementales. Éloignée des locaux de l’entreprise, la sphère de travail virtuelle doit pouvoir compter sur des managers empathiques et créatifs, capables de maintenir le lien avec leur équipe. Faute de pouvoir prendre un café ou déjeuner avec leurs collègues, les travailleurs seront-ils en mesure de développer un sentiment d’appartenance vis-à-vis de l’organisme qui les emploie ou de bien cerner ses objectifs ?
Toute divergence entre la déclaration de mission et l’expérience du travailleur peut à la fois engendrer une forme de défiance et une baisse de productivité. De solides compétences interpersonnelles peuvent grandement contribuer à combler un tel fossé. Le mentorat sera également un élément clé en termes de cohésion, notamment dans l’optique de guider le personnel pour renforcer considérablement les compétences indispensables à la transition écologique et à l’accélération de la numérisation du monde du travail.
Le fait de rassurer le personnel quant à sa valeur dans le contexte numérique devrait également s’imposer comme une priorité. Selon Jim Lewis, Président de l’ISO/TC 260, « le travail à domicile s’est avéré plus intéressant et gratifiant pour la plupart des travailleurs, ces derniers appréciant l’idée que leur travail soit jugé sur le plan qualitatif et quantitatif plutôt qu’en fonction des seules heures de présence au bureau ».
Les compétences comportementales ne sont cependant qu’une face de la médaille. Les bureaux, les processus et les définitions mêmes de la notion de productivité continuent d’évoluer et les entreprises devront s’appuyer sur des systèmes d’information sur le capital humain permettant d’assurer un suivi.
Les entreprises seront amenées à valoriser les soft skills.
3. Pas une norme en soi
Le monde du travail continuera d’évoluer en fonction des progrès technologiques et des questions sociétales. Les employeurs comme les travailleurs doivent trouver un moyen de normaliser les rapports et procédures sur lesquels ils peuvent compter en période de turbulence. Les politiques « universelles » ne suffiront plus. Il convient donc de privilégier des solutions sur mesure.
Les Normes internationales offrent aux employeurs un panorama mondial des principales tendances. Ils ont ainsi la possibilité d’établir des plans afin d’être préparés aux évolutions futures. Les normes aident les organismes de tous les pays à cartographier les compétences indispensables à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Dans cette optique, il est essentiel de combler le fossé entre les travailleurs et les entreprises.
« Les RH ne peuvent fonctionner en vase clos », estime Mme Miles. « La stratégie et les valeurs d’un organisme doivent être reliées au recrutement des talents, à la gestion de ces talents, au travers notamment de la rémunération, de la formation, du développement et de la gestion des performances des personnes qu’il emploie, tout en procurant de la valeur à l’organisme comme à la société dans son ensemble. Les différentes stratégies doivent fonctionner en synergie. »
Ainsi, ISO 30414 met en avant la valeur du capital humain et vise à rendre claire et transparente la contribution du personnel au travers de mesures pertinentes (58 au total) afin de guider les employeurs, et ce, quelle que soit la taille de l’organisme. Ces mesures couvrent notamment la conformité et l’éthique, la diversité, le leadership, la culture organisationnelle, la santé, la sécurité et le bien-être ainsi que divers paramètres essentiels en lien avec la main-d’œuvre. La norme ISO 23326 propose des recommandations pour la création d’un environnement mutuellement bénéfique et encourageant chacune et chacun à s’identifier à l’objet et aux valeurs de l’organisme.
Alors même que nous planifions une économie mondiale autour des ODD, le travail d’équipe s’avère fondamental pour affronter un avenir incertain et des évolutions rapides. Les Normes internationales contribuent à faciliter de telles mutations.